Kein Frewd ohn dich
Chansons d’amour alémaniques du 16e siècle
Au début du 16e siècle, les étudiants et mélomanes des villes universitaires européennes s'échangent des manuscrits réunissant de la musique destinée à leur propre usage, car ils considèrent que la pratique musicale est essentielle à l’éducation culturelle, aux loisirs et à la vie sociale. Le répertoire musical international contenu dans ces manuscrits témoigne d’une transmission transfrontalière importante : on y trouve des chansons franco-flamandes, italiennes et de nombreux Tenorlieder, ces chansons polyphoniques allemandes très populaires au sein des cercles humanistes du Haut-Rhin. Cette musique trouve ses origines dans les traditions monophoniques du Minnesang : une mélodie existante est entourée de trois voix contrapuntiques. Les textes, généralement anonymes, parlent souvent des sentiments humains, sur des tons très variables : on y trouve des poèmes raffinés comme « Kein Frewd ohn dich » qui parle de nostalgie et de fidélité, le tendre « Ach frowlin zart », mais aussi un langage cru dans « Es gieng guot tröscher über land ». Dans la plupart des cas, le « moi » lyrique et le sujet de son amour restent anonymes. Il existe quelques exceptions, telles que : « Ach Elslein, liebes Elslein mein, wie gern wär ich bei dir ! ». Bien que l'on ne sache pas qui se cache derrière cette dédicace, la mélodie entraînante a été réarrangée par de nombreux compositeurs à la Renaissance.
Les deux sources principales dans lesquelles nous puisons la musique de ce programme sont conservées en Suisse alémanique. Il s’agit d’abord d’un chansonnier du juriste et musicien Bonifacius Amerbach (1495-1562), qui contient beaucoup de chansons de compositeurs résidant en Alsace ou à la cour du duc Ulrich de Wurtemberg. On y trouve notamment dix chansons de l’alsacien Paul Wüst, qui dirigeait l’école latine de Kaysersberg. Mathias Greiter et Wolfgang Dachstein (organistes strasbourgeois), Sixt Dietrich (résidant à Breisach, Freiburg et Strasbourg) et Ludwig Senfl, compositeur bâlois, sont également représentés. Les textes sont en dialectes alémaniques et le manuscrit aurait été copié dans le Haut-Rhin puis relié à Bâle vers 1518. Bonifacius était un grand collectionneur d’art : le cabinet familial contenait des peintures attribuées à Lucas Cranach, Urs Graf, Hans Baldung, Albrecht Dürer et Hans Holbein, qui peignit en 1519 le portrait du jeune Amerbach.
La seconde source est le chansonnier de Johannes Heer de Glaris (1493-1553), un témoignage important de la culture musicale bourgeoise du 16e siècle en France et en Suisse. Cet ecclésiastique érudit commence à copier sa collection musicale lors de ses études à Paris en 1510. Aujourd’hui conservé à l’abbaye de Saint-Gall, ce livre aurait circulé entre Heer et ses amis, et la musique y est entourée de petits textes (maximes, proverbes et passages de la Bible) notés par différentes mains.
Les deux sources principales dans lesquelles nous puisons la musique de ce programme sont conservées en Suisse alémanique. Il s’agit d’abord d’un chansonnier du juriste et musicien Bonifacius Amerbach (1495-1562), qui contient beaucoup de chansons de compositeurs résidant en Alsace ou à la cour du duc Ulrich de Wurtemberg. On y trouve notamment dix chansons de l’alsacien Paul Wüst, qui dirigeait l’école latine de Kaysersberg. Mathias Greiter et Wolfgang Dachstein (organistes strasbourgeois), Sixt Dietrich (résidant à Breisach, Freiburg et Strasbourg) et Ludwig Senfl, compositeur bâlois, sont également représentés. Les textes sont en dialectes alémaniques et le manuscrit aurait été copié dans le Haut-Rhin puis relié à Bâle vers 1518. Bonifacius était un grand collectionneur d’art : le cabinet familial contenait des peintures attribuées à Lucas Cranach, Urs Graf, Hans Baldung, Albrecht Dürer et Hans Holbein, qui peignit en 1519 le portrait du jeune Amerbach.
La seconde source est le chansonnier de Johannes Heer de Glaris (1493-1553), un témoignage important de la culture musicale bourgeoise du 16e siècle en France et en Suisse. Cet ecclésiastique érudit commence à copier sa collection musicale lors de ses études à Paris en 1510. Aujourd’hui conservé à l’abbaye de Saint-Gall, ce livre aurait circulé entre Heer et ses amis, et la musique y est entourée de petits textes (maximes, proverbes et passages de la Bible) notés par différentes mains.